En Bolivie, un processus de consultation a commencé dimanche 29 juillet. Il concerne la construction d'une route traversant une aire protégée, et devrait durer jusqu'au 6 septembre. Cette consultation est fortement critiquée, notamment par de nombreuses communautés indigènes vivant dans la zone.
Depuis plusieurs décenies, ce projet d'axe routier reliant les villes de Villa Tunari (département de Cochabamba) à San Ignacio de Moxos (département de Beni) se retrouve sur la table des gouvernements qui se sont succédés. Pour réaliser une telle route, une des options est de traverser le Territoire Indigène et Parc National Isiboro-Sécure (TIPNIS), reconnu comme tel en 1990 à l'issue de la Marche pour le Territoire et la Dignité* dont le but était justement d'empêcher la réalisation de ce genre de projets qui se feraient au détriment des populations autochtones.
En 2006, Evo Morales devient le premier président indigène de Bolivie. En 2009, il promulgue la nouvelle Constitution de l'Etat Plurinational de Bolivie qui reconnait, pour la première fois dans l'histoire du pays, 36 ''nations indigènes'' et dont l'article 352 stipule notamment que l'”exploitation de ressources naturelles dans des territoires déterminés sera sujette à un processus de consultation à la population affectée, convoquée par l'Etat, et sera libre, préalable et informée.”
A cette époque, il remet sur pied le projet routier en le justifiant comme nécessaire au développement, non seulement des départements de Cochabamba et Beni, mais aussi des populations habitant le parc national. En octobre 2009, son gouvernement présente le projet à quelques communautés du TIPNIS, parmi elles, au CONISUR (Conseil Indigène du Sud) dont le secteur est peuplé en grande partie de colons et producteurs de coca. En mai 2010, une des communautés rejettent le projet et propose un tronçon alternatif qui ne pénètrerait pas dans le zone protégée. Au début du mois de juillet, ABC (Administration Bolivienne des Chemins) suspend les projet en raison du rejet des Indigènes et reconnait qu'aucune étude technique, économique et sociale n'a été faite. Le même mois, le viceministre de l'environnement et le responsable de la direction environnementale démissionent en affirmant que le gouvernement a tenté de les obliger à signer des permis environnementaux. Le 31 juillet, Evo Morales annonce qu'il effectuera le projet de route. Malgré le désaccord des nombreuses populations indigènes, il affirme qu'il a signé un contrat avec la compagnie brésilienne OAS pour la réalisation de la route. Jusqu'alors, aucune consultation n'a eu lieu.
Le 15 août 2011, une marche (la 8e marche pour la défense du TIPNIS, car depuis 1990, il y en a eu sept autres) débute dans la ville de Trinidad. Des centaines de personnes y participent, dont une majorité d'Indigènes du TIPNIS, pour protester contre la construction du tronçon de route devant traverser leur territoire. Ils parcoureront 600 km en deux mois pour arriver à la ville de La Paz. Le dialogue s'ouvre alors avec le président Morales, au terme duquel celui-ci promulgue la loi 180, dite ''Ley Corta'', qui proclame l'intangibilité du territoire.
Quelques jours plus tard, le CONISUR (Conseil Indigène du Sud, dont le secteur est peuplé en grande partie de colons et producteurs de coca), poussé par le MAS, le parti de Morales, entreprend une marche vers La Paz pour réclamer l'abrogation de la loi 180. A leur arrivée dans la capitale le 30 janvier 2012, ils sont reçus par un Evo Morales qui accepte, sans rechigner, d'annuler la loi 180. Le 10 février 2012, il promulgue la loi 222 de consultation aux populations indigènes du TIPNIS. En résumé, il crée une loi de consultation, laquelle aurait dû être préalable à l'établissement du projet, pour se défaire d'une loi passée trois mois avant et pouvoir remettre sur pied la construction de la route.
Un an après la 8e marche, la consultation vient à peine de commencer. Entre temps, la 9e marche pour la défense du TIPNIS a parcouru le même trajet que la 8e dans le but de dialoguer une fois de plus avec le président qu'ils n'ont, durant leur quinze jours de ''séjour'' à La Paz, pas même pu rencontrer.
Alors que le gouvernement encense la consultation comme un processus démocratique qui fera avancer le pays, bien des voix s'élèvent pour dénoncer le non-respect de certaines lois et normes, en particulier, le non-respect du droit de consultation préalable prévu par la Constitution. D'autres irrégularités ont été mentionnées, notamment le fait que le premier document du protocole de consultation qui a circulé en début d'année comptait 63 communautés dont seulement 10 appartenant au CONISUR. En mars, un nouveau document est publié faisant état de 67 communautés, le nombre de communautés faisant partie du CONISUR augmentant à 19.
On estime qu'en 18 ans, 64% de la forêt disparaîtrait à cause de la route, entraînant la disparition d'écosystèmes uniques au monde, de dizaines d'espèces végétales et animales, ainsi que de certaines communautés indigènes. De plus, selon les experts, le réseau hydrographique de la zone la rend peu appropriée à la réalisation d'un tel projet. Plusieurs alternatives ont été proposées mais ont toutes été rejetées par le gouvernement qui maintient que la seule possibilité viable est de traverser le TIPNIS. Cet axe routier, auquel la plupart des populations indigènes vivant dans le parc sont opposées, bénéficierait principalement aux cocaleros – producteurs de coca – vivant au sud du parc, dans le polygone 7, et dont Morales est le principal représentant. Il leur permettrait de faire circuler leur production de coca plus facilement vers le Beni et ensuite vers le Brésil. De plus, le polygone 7, qui est une enclave de colons dans le TIPNIS, s'est étendu de 8000 hectares entre 1999 et 2009 et il leur serait plus facil d'élargir leur territoire et leur champs de coca avec la route traversant le parc.
* Le 15 août 1990, débutait la Marche pour le Territoire et la Dignité (Marcha por el Territorio y la Dignidad) qui déboucha sur un décret suprême reconnaissant ce qui n'était à l'époque que le parc national Isiboro-Sécure (PNIS) comme territoire indigène (TIPNIS). La zone a été déclaré parc national (PNIS) en 1965. Elle fait actuellement partie des aires protégées de Bolivie, avec une vingtaine d'autres parcs nationaux et réserves. Elle couvre une superficie d'approximativement 12 360 km2 dans les départements de Beni et Cochabamba.
Lorange Pressée
Depuis plusieurs décenies, ce projet d'axe routier reliant les villes de Villa Tunari (département de Cochabamba) à San Ignacio de Moxos (département de Beni) se retrouve sur la table des gouvernements qui se sont succédés. Pour réaliser une telle route, une des options est de traverser le Territoire Indigène et Parc National Isiboro-Sécure (TIPNIS), reconnu comme tel en 1990 à l'issue de la Marche pour le Territoire et la Dignité* dont le but était justement d'empêcher la réalisation de ce genre de projets qui se feraient au détriment des populations autochtones.
En 2006, Evo Morales devient le premier président indigène de Bolivie. En 2009, il promulgue la nouvelle Constitution de l'Etat Plurinational de Bolivie qui reconnait, pour la première fois dans l'histoire du pays, 36 ''nations indigènes'' et dont l'article 352 stipule notamment que l'”exploitation de ressources naturelles dans des territoires déterminés sera sujette à un processus de consultation à la population affectée, convoquée par l'Etat, et sera libre, préalable et informée.”
A cette époque, il remet sur pied le projet routier en le justifiant comme nécessaire au développement, non seulement des départements de Cochabamba et Beni, mais aussi des populations habitant le parc national. En octobre 2009, son gouvernement présente le projet à quelques communautés du TIPNIS, parmi elles, au CONISUR (Conseil Indigène du Sud) dont le secteur est peuplé en grande partie de colons et producteurs de coca. En mai 2010, une des communautés rejettent le projet et propose un tronçon alternatif qui ne pénètrerait pas dans le zone protégée. Au début du mois de juillet, ABC (Administration Bolivienne des Chemins) suspend les projet en raison du rejet des Indigènes et reconnait qu'aucune étude technique, économique et sociale n'a été faite. Le même mois, le viceministre de l'environnement et le responsable de la direction environnementale démissionent en affirmant que le gouvernement a tenté de les obliger à signer des permis environnementaux. Le 31 juillet, Evo Morales annonce qu'il effectuera le projet de route. Malgré le désaccord des nombreuses populations indigènes, il affirme qu'il a signé un contrat avec la compagnie brésilienne OAS pour la réalisation de la route. Jusqu'alors, aucune consultation n'a eu lieu.
Le 15 août 2011, une marche (la 8e marche pour la défense du TIPNIS, car depuis 1990, il y en a eu sept autres) débute dans la ville de Trinidad. Des centaines de personnes y participent, dont une majorité d'Indigènes du TIPNIS, pour protester contre la construction du tronçon de route devant traverser leur territoire. Ils parcoureront 600 km en deux mois pour arriver à la ville de La Paz. Le dialogue s'ouvre alors avec le président Morales, au terme duquel celui-ci promulgue la loi 180, dite ''Ley Corta'', qui proclame l'intangibilité du territoire.
Quelques jours plus tard, le CONISUR (Conseil Indigène du Sud, dont le secteur est peuplé en grande partie de colons et producteurs de coca), poussé par le MAS, le parti de Morales, entreprend une marche vers La Paz pour réclamer l'abrogation de la loi 180. A leur arrivée dans la capitale le 30 janvier 2012, ils sont reçus par un Evo Morales qui accepte, sans rechigner, d'annuler la loi 180. Le 10 février 2012, il promulgue la loi 222 de consultation aux populations indigènes du TIPNIS. En résumé, il crée une loi de consultation, laquelle aurait dû être préalable à l'établissement du projet, pour se défaire d'une loi passée trois mois avant et pouvoir remettre sur pied la construction de la route.
Un an après la 8e marche, la consultation vient à peine de commencer. Entre temps, la 9e marche pour la défense du TIPNIS a parcouru le même trajet que la 8e dans le but de dialoguer une fois de plus avec le président qu'ils n'ont, durant leur quinze jours de ''séjour'' à La Paz, pas même pu rencontrer.
Alors que le gouvernement encense la consultation comme un processus démocratique qui fera avancer le pays, bien des voix s'élèvent pour dénoncer le non-respect de certaines lois et normes, en particulier, le non-respect du droit de consultation préalable prévu par la Constitution. D'autres irrégularités ont été mentionnées, notamment le fait que le premier document du protocole de consultation qui a circulé en début d'année comptait 63 communautés dont seulement 10 appartenant au CONISUR. En mars, un nouveau document est publié faisant état de 67 communautés, le nombre de communautés faisant partie du CONISUR augmentant à 19.
On estime qu'en 18 ans, 64% de la forêt disparaîtrait à cause de la route, entraînant la disparition d'écosystèmes uniques au monde, de dizaines d'espèces végétales et animales, ainsi que de certaines communautés indigènes. De plus, selon les experts, le réseau hydrographique de la zone la rend peu appropriée à la réalisation d'un tel projet. Plusieurs alternatives ont été proposées mais ont toutes été rejetées par le gouvernement qui maintient que la seule possibilité viable est de traverser le TIPNIS. Cet axe routier, auquel la plupart des populations indigènes vivant dans le parc sont opposées, bénéficierait principalement aux cocaleros – producteurs de coca – vivant au sud du parc, dans le polygone 7, et dont Morales est le principal représentant. Il leur permettrait de faire circuler leur production de coca plus facilement vers le Beni et ensuite vers le Brésil. De plus, le polygone 7, qui est une enclave de colons dans le TIPNIS, s'est étendu de 8000 hectares entre 1999 et 2009 et il leur serait plus facil d'élargir leur territoire et leur champs de coca avec la route traversant le parc.
* Le 15 août 1990, débutait la Marche pour le Territoire et la Dignité (Marcha por el Territorio y la Dignidad) qui déboucha sur un décret suprême reconnaissant ce qui n'était à l'époque que le parc national Isiboro-Sécure (PNIS) comme territoire indigène (TIPNIS). La zone a été déclaré parc national (PNIS) en 1965. Elle fait actuellement partie des aires protégées de Bolivie, avec une vingtaine d'autres parcs nationaux et réserves. Elle couvre une superficie d'approximativement 12 360 km2 dans les départements de Beni et Cochabamba.
Lorange Pressée